Je vole ... un oiseau passe, nous nous jetons un regard, les couleurs de son plumage sont étranges, un peu comme de l'or en fusion. Il passe d'un battement d'ailes, et ne devient bientôt plus qu'un point dans le ciel, comme une étoile. Tout est calme, seule la chanson du vent m'accompagne dans cet étrange voyage. Plus bas des champs, eux aussi ont des couleurs étonnantes, des violets intenses des bleus lumineux, je me demande bien quel genre de cultures ont peut bien faire ici. Peut être des violettes pour en faire des bonbons au goût de fleurs, pour le bleu je n'ai aucune idée, des bonbons au goût de ciel sûrement. Sur ma droite, un énorme nuage, si épais que l'envie d'y poser un pied est trop forte, je l'y pose, il y reste. Je me sens plus légère, je m'avance sur cette surface toute douce résistant à l'envie de m'y rouler, on dirait une barbe à papa géante, je m'attends à voir soudain surgir le haricot magique, je suis dans l'attente de celui qui montera par ces branches. Rien ne vient, j’attends un instant sans trop y croire, rien ne bouge. Je m'avance pour faire quelques pas sur cet instant de rêve. Je m'avance tout au bord et je regarde le vide. Tout en bas la terre tel une couverture géante s'agite sous le vent, sous le souffle de la vie qui trépigne et qui s’agite. Au loin, une cloche sonne. Le vide m’attire, je vais reprendre mon voyage, mais l’idée que peut être comme dans les songes, la magie disparue, c’est une chute qui m’attend, j’hésite quelques secondes.
Un souffle sur ma nuque me fait tourner la tête, près de moi, un être étrange au regard de glace me fixe. Sur ses traits parfaits aucun signe d'un quelconque sentiment, il me regarde pour me regarder, il semble absorber des informations que je ne savais même pas posséder. Le temps s'est arrêté, il s'est avancé doucement, pour me prendre la main, l’a mise dans la sienne, et dans un doux mouvement je l'ai suivi sans hésitation car un léger sourire se devinait soudain sur ses lèvres. Je lui jette quelques regards, sa peau est presque lumineuse, c'est étonnant, il semble irradié, source vive d'une énergie formidable. C’est si beau que cela ne doit, ne peut prendre fin, ce n'est en cet instant pas lui qui me tient la main mais moi qui m'y accroche. Sa chaleur m'envahit, c'est un doux frémissement sur ma peau. Nous arrivons tous deux devant une porte grise, haute, simplement deux battants et une poignée en argent. Doucement elle s'ouvre sans un bruit, et laisse peu à peu entrevoir un monde brillant, mouvant, émouvant, nous la passons tous deux et elle se referme sur nous ... Un bruit, je tourne la tête, c’est simplement la porte, mais mon inconnu en a profité pour disparaître, en un instant ma main est vide, j’ai froid. D’un regard je constate que ce que j’avais aperçu derrière la porte n’était qu’illusions, ici il n’y a rien, pas d’odeurs ni couleurs. Ce gris est pesant, fatiguée à la limite de l’épuisement, je m’allonge et je ferme les yeux pour essayer de me retrouver car je suis perdue. Sous mes paupières clauses, ma vie défile au ralenti, des flashs, des souvenirs, des visages, sourires et rires, peu de larmes, trop de silences et mon lot de blessures, en finir et partir, oublier pour disparaître.
Mais j’ouvre les yeux. L’oiseau est là, un chant sort de son bec qui comme un bijou scintille, tâche de couleur dans ce paysage uniforme, cette chanson est si douce, bizarrement j’ai l’impression de comprendre les paroles ou tout au moins quelques mots, libertés voyages mystères conquêtes amours et amitiés. Il a raison, tout cela en vaut la peine et même si la route est longue et souvent difficile, il ne faut surtout pas abandonner. La chanson de l’oiseau devient plus rapide, plus forte, un écho au loin, un autre lui répond, ils sont soudain plusieurs a lancer dans le ciel leur chanson d’espoir, le gris devient un peu plus bleu, je distingue quelques fleurs, rouge sombre, jaune soleil, de-ci de-là puis aussi loin que porte mon regard. Une source coule un peu plus bas, sa musique accompagne divinement les oiseaux malicieux. Mon petit chanteur me regarde de ces deux minuscules yeux noirs, deux puits sombres sans fonds où l’on peut lire toute la sagesse du monde. Un souffle de vent caresse mon visage, je me redresse, des arbres m’entourent. Je me retrouve comme par magie au centre d’un merveilleux tableau, l’inconnu toujours absent mais finalement je n’ai pas besoin de lui, ma chaleur est maintenant intérieure et bien plus forte car j’en suis la source, enfin et tant qu’elle sera là au fond de mon cœur je n’aurais plus froid. L’oiseau pose doucement son bec contre mes lèvres, les yeux fermés je savoure, quand je les ouvre … Je suis là, mon écran scintille, la musique en bruit de fond, encore un rêve … Mais l'oiseau est resté tatoué sur ma peau.